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Les sabots, du champ à la danse « round »

Retrouvez ici tous les épisodes de la série « Une chaussure, une danse ».
C’était en 2011, au Festival d’Avignon. Le chorégraphe contemporain Mickaël Phelippeau chaussait de magnifiques sabots blancs pour le duo Bi-portrait Yves C., conçu et interprété avec Yves Calvez, animateur jusqu’en 2017 du groupe Avel Dro, basé à Guissény (Finistère). En tee-shirt et pantalon, ce pas de deux qui claquait et tintinnabulait joyeusement fort revisitait la danse round (« rond », en breton), rameutant autour de lui une guirlande d’hommes et de femmes en costume traditionnel.
Dans cette conservation d’une mémoire vivante, la round, également chantée, dont les origines remonteraient au Moyen Age, a perduré, avec des hauts et des bas, devenant la tradition emblématique de ce pays pagan, situé dans le nord du Finistère. « On la connaît encore aujourd’hui parfaitement et l’on peut rencontrer les danseurs qui la pratiquaient en sabots avant la brève interruption des années 1960, mentionne Yves Calvez. Depuis, de nouvelles occasions de la partager se sont mises en place, dont la fest bro pagan, à Guissény, chaque mois de juillet. »
Pour cette production magique, qui tourna pendant huit ans, Mickaël Phelippeau s’est initié à la round. « Il y a un rapport au poids particulier avec les sabots que je n’avais pas expérimenté avant en tant qu’interprète contemporain, commente cet aventurier du geste. Le pied est coincé dans un morceau de bois qui le casse et qu’il doit gérer jusqu’à, parfois, trouver l’équilibre sur le bout des sabots. » Et tout ça en continuant à les percuter.
Aussi fascinant soit-il, le sabot, qui serait apparu, selon les spécialistes, entre 1480 et 1520 en France, aux Pays-Bas et jusqu’au Danemark, n’a rien d’une paire de charentaises. Taillé dans un seul morceau de bois, plutôt rustique et populaire, même s’il a connu des atours chics, le sabot est d’abord lié au monde paysan. Qu’il s’agisse des champs de blé ou de goémon au bord de la mer, il est l’accessoire tout terrain.
Lorsqu’il met en scène Bi-portrait Yves C., Yves Calvez, dont la mère, Marie-Thé Calvez, enseignait les danses bretonnes dans les années 1990, s’immerge dans ses investigations menées en 2000 pour les productions d’Avel Dro. Il a réuni des témoignages de personnes dans son entourage, des images sur les tenues portées autour de 1850. Il s’est également adossé à l’ouvrage de référence de l’ethnologue Jean-Michel Guilcher (1914-2017), La Tradition populaire de danse en Basse-Bretagne (éditions Coop Breizh, 1963), fruit d’informations collectées entre 1946 et 1960.
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